La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence





 
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 La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence

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MessageSujet: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeMer 5 Aoû - 4:45

Deux silhouettes assombries indiquaient la progression de la descendance d'Isa Bere au sein de la monstrueuse tempête qui l'avait rattrapée voilà deux heures, une déferlante infernale tombée sur leurs têtes avec toutes sa panoplie de vicissitudes propres au désert. Des rafales de sable brûlantes les giflaient et se dressaient en colonnes si hautes et denses que la puissance du soleil s'en retrouvait amoindrie; le cri aigu du vent, trop semblable à celui des désespérés à court d'eau, aurait plongé dans la folie quiconque ne provenait pas de cette contrée dont l'inhospitalité frisait la tentative de meurtre.

Pour quelqu'un qui s'éloignait à chaque pas de sa famille et tout ce qu'ils avaient jamais connus, Ranarauna et Emela-Ntouka se sentaient étrangement heureux. À moins que ce ne fut l'euphorie de l'aventure, la morsure pinçante de la tristesse ne laissant aucun répit à leurs coeurs aux repères un à un arrachés. Malgré la cruauté des éléments et leur déracinement imminent, tous les deux avançaient vaillamment au coude-à-genou avec une force et une détermination éprouvées par une vie de ce régime. Sous de multiples vêtements ne laissant paraître que ses yeux et à travers de fines rigoles aussitôt asséchées de larmes, Rana souriait même de toutes ses dents. Tant que son frère était à ses côtés, peu de choses pourraient entamer son moral.

Ils endurèrent encore quatre interminables heures de galère ensablée avant que Ntouka ne sentent faiblir les bourrasques sur ses ailes sensibles aux variations du temps.

~ C'est une oasis là-bas? ~ avisa télépathiquement la drakéïd en partageant sa vision, qui se résumait en un tourbillon de particules plus foncé que les autres.

Ils prirent de concert le risque de changer de cap, l'espoir de trouver eau et abri l'emportant sur les doutes légitimes que soulevait la visibilité réduite. La tornade perdait de plus en plus d'ardeur quand une odeur d'humidité ténue comme un fil d'araignée parvint aux naseaux du pseudo-dragon et que les doigts de sa sœur effleurèrent la végétation rêche de cette aubaine attendue de longue date. Sans retenue supplémentaire, la créature s'élança en avant et prit possession de l'endroit en quelques enjambées, la petite forme humanoïde au pas sûr talonnée par une masse griffue autrement impressionnante soulevant des gerbes de sable à chaque foulée.

Enfin protégés par les arbres, ils atteignirent le point d'eau en poussant force chuintements de gratitude à l'égard de leur bonne fortune : solennellement, ils prirent place sur la rive, mais si Ntouka pu aussitôt plonger ses mâchoires de crocodiles dans le liquide béni, Rana se débarrassa d'abord du foulard qui recouvrait l'entièreté de sa tête et releva sur ses excroissances crâniennes sa chevelure aux mille tresses.

Ce ne fut qu'une fois ce rituel accompli qu'elle pu aisément pencher ses lèvres dans l'onde bienfaisante afin d'y revivre.
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeMer 5 Aoû - 11:29

« Que fais-je donc iciiiii ?! » C’est à peu près la formule que j’utilisai alors pour exprimer mon profond désespoir tandis que le soleil montait de plus en plus haut dans le ciel du désert, arrosant tout être vivant de son abondante et suffocante chaleur. Je vous épargne bien entendu les quelques dizaines de jurons qui ont suivis cette question rhétorique, pour la bienséance, mais sachez néanmoins que tout ce qui m’entourait (donc sable, soleil, ciel, chaleur et… c’est à peu près tout) fut maudit de mille et une façon jusqu’à la dixième génération, si ce n’est plus. Mais pourquoi donc, me direz-vous, se risquer ainsi dans l’un des endroits les plus mortels de ce monde ? Mais voyons, vous me connaissez depuis le temps ! Pour l’aventure ! La passion ! Pour trouver de nouvelles sources d’inspiration au cœur de cet océan mythique que nul ne peut dompter ! L’incarnation même de la sauvagerie et de la suprématie de la nature que l’homme (et apparentés) essayent en vain de comprendre et de maîtriser. C’est ce sentiment d’impériosité presque divine que j’essayai alors de capturer à travers ma plume. Mais je reconnais que j’avais sous-estimé la dangerosité de ces plaines.

Plus d’une semaine déjà que j’accompagnais cet intrépide convoi de mercenaires qui se dirigeait à une allure soutenue vers Desiara. Cette majestueuse cité où, malgré les températures caniculaires, on voyait fleurir quantité de choses. Je ne parle pas ici de plantes, vous vous en doutez, mais bien de commerces, d’auberges, de bordels et autres éléments indispensables dans la vie de tout homme respectable tel que votre humble serviteur. C’est donc sans surprise que, attirés par le développement de la cité, on voit arriver une foule d’hommes en armes, certains avec plus de scrupules que d’autres, mais dont la motivation était commune. L’or. Ils venaient « aider » les locaux ainsi que les étrangers à régler les soucis de la vie de tous les jours en échange de quelques menues monnaies. Certains tentaient même de servir auprès des autorités locales. C’est une profession que je trouve très noble malgré le fait que ces gens ne faisaient, en réalité, que tourner autour des plus riches personnages comme des papillons de nuit autour d’une torche. Ce que j’aimais chez eux, c’était qu’ils étaient les plus nombreux représentants de cette envie de liberté naïve propre aux enfants. Comme des bambins avides d’aventures, ils partaient au hasard des routes en abandonnant femmes et enfants sans aucun moyen de savoir s’ils allaient revenir. L’incarnation de la hardiesse et de l’ingénuité juvénile.

C’est en compagnie d’une dizaine de ces hommes courageux que je me dirigeai sur la route de Desiara. Ces brutes avaient acceptés de m’accueillir au sein de leur compagnie le temps du voyage, de me nourrir et de me protéger, en échange de quelques pièces d’or et de l’animation de leurs soirées. Les journées se ressemblaient toutes alors. On se levait lorsque l’aube pointait, on mangeait un peu, on posait les fesses sur nos chevaux et c’est parti pour de longues heures de voyage à travers le désert avec rien d’autre à l’horizon que du sable et des dunes, du sable et des dunes, encore du sable et des dunes. Ce paysage à la monotonie inquiétante démoraliserait le plus courageux des mercenaires, si bien que pour remonter le moral des troupes j’avais la charge de chanter quelques ballades le soir venu. Comme on dit, la musique adoucit les mœurs. Ses gens étaient si friands de mon talent qu’ils saluaient chacune de mes compositions avec forces acclamations.

Et notre périple continua ainsi des jours et des jours. Mais comme on dit, les bonnes choses ont une fin, et il fallait bien que nos routes se séparent. Ils me laissèrent à une dizaine d’empans à peine d’une oasis qui, ils l’affirmaient tous, n’était pas si loin que ça de la capitale de ce pays. Leur amabilité fit que je les crus sur parole. Et c’est après des derniers échanges sombres mais solennels que nous nous dimes adieu. Je me jurai alors que la première ode que j’écrirai ici serait à leur gloire. A la gloire de cette compagnie de mercenaires sans nom, qui suivait l’odeur de l’or inlassablement et jusqu’au bout.

L’oasis en question n’était pas bien vaste ni envahie par la végétaion, néanmoins il ne me fallut pas bien longtemps pour expérimenter la profondeur du point d’eau en y plongeant avec un bonheur sans nom ! Tonnerre, mon cheval, s’abreuva longuement et on pouvait aisément imaginer la joie qui était la sienne. Cet étalon palomino était mon plus fidèle compagnon depuis des années déjà. Il m’offrait le plus grand des soutiens lors de mes fréquents périples, portant mes affaires et m’offrant une occasion unique de ne pas me fatiguer les jambes ! C’était mon ami… et un très bon ami.

Je demeurai de longues minutes dans l’eau. A en apprécier la fraîcheur, le parfum, la clareté… C’était merveilleux, mais je devais continuer d’explorer les environs ! Une fois sorti de l’eau, je pouvais aviser la petite hutte à quelques pas de là, au milieu des arbres. Elle n’était guère accueillante, un morceau du toit s’était effondré et on avait l’impression qu’une boutade suffirait à la faire s’abattre. Néanmoins cela faisait horriblement plaisir de trouver un abri au milieu de ces terres désertiques.  C’était l’endroit parfait pour écrire ! Seulement, la nature n’appréciait pas tellement les histoires sans péripéties, et alors que je me dirigeai avec un sourire des plus larges vers cette cabane providentielle, voilà qu’une immense tempête commence à balayer le désert et à soulever tout le sable du secteur en un inquiétant ballet aérien. Bien que fascinante à admirer, cette tempête menaçait de m’emporter ! Je pris en hâte mes affaires et les emmenai rapidement à l’intérieur de la cahute de bois. Dans un soupir qui mêlait soulagement et résignation, je m’écroulai contre le mur, résigné à attendre la fin de cet effroyable cataclysme en sursautant au moindre gémissement grinçant de la petite hutte.
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeDim 9 Aoû - 2:33

[Le texte écrit entre symboles vagués (~) correspond aux échanges télépathiques de nos deux comparses draconiens. D'acc?]


La tempête s'apaisa, les vents s'affaissèrent et l'oasis retrouva ce semblant de calme qui pousse les voyageurs à s'approcher de son eau en toute confiance pour se faire dévorer la figure par le crocodile patient. Rassurée par la respiration à nouveau tranquille des lieux, une dune s'ébroua soudainement pour faire place aux ailes immenses d'Emela-Ntouka, auparavant repliées sur ses deux têtes en un écrin protecteur. Sous ces longues voiles épaisses d'où elle émergea, Ranarauna, en comparaison, ressemblait à une sculpture de bois d'ébène petite et délicate, le type d'oeuvre dont on fait cadeau aux fillettes sages et choyées pour qu'elles jouent à la poupée.

~ J'ai du sable entre les dents, pas toi? ~ questionna-t-elle son frère en expirant une puissante langue de feu qui balaya le problème à la fois hors de sa bouche, de son nez et de son esprit.

Le pseudo-dragon n'était pas du genre à gaspiller du temps en réponses évidentes lorsqu'une image valait mille mots : il se contenta d'un raclement de gorge sec, pareil à un chat de sept tonnes prêt à expulser la boule poils de sa carrière, et toussa violemment quantité de flammèches qui moururent dans le sable apyre, certaines sur la rive opposée du point d'eau.

Face à telle démonstration, Rana haussa un sourcil noir :

~ Félicitations, maintenant tout le gibier aura fui de l'autre côté des arbres. ~

Malgré le sarcasme, la satisfaction qui gonflait son coeur démentait le ton réprobateur de son propos et Ntouka partageait sans aucun doute ce sentiment de liberté, puisque ce coeur aux flammes fières était aussi le sien. Quel bonheur de cracher le feu de leurs ancêtres sans risque de blesser quelqu'un, d'exercer en paix cette aptitude propre à leur duo, un don qui les rapprochait en les distinguant de tous les êtres ayant croisé leur route jusqu'à aujourd'hui! Ne plus dépendre de personne, ne plus attendre les plus lents, suivre ce rythme unique suivant leurs frasques et leurs envies, voilà ce qui empêchait la drakéïd et son frère de pleurer la vie d'avant : un avenir se profilait devant eux, qu'ils pourraient façonner à leur guise selon leurs besoins et les hasards du chemin. De créatures, ils deviendraient créateurs!

Mais avant toute chose, il fallait nourrir les créatures.

Paisiblement, la descendance d'Isa Bere entreprit de contourner la mare centrale de l'oasis à la recherche d'une bête qui n'aurait pas pris au sérieux la précédente démonstration pyrotechnique : pendant que Ranarauna enserrait de son foulard ses cheveux préalablement relevés, le pseudo-dragon se faisait éclaireur et la devançait en étirant son cou d'autruche pour mieux balayer les environs. S'il va sans dire qu'au milieu du désert et de sa chaleur omniprésente, la vision thermique d'Emela-Ntouka était quasiment nulle, il compensait ce handicap en reniflant de gauche et de droite et en tendant l'oreille, en attendant que sa sœur consente à lui prêter ses yeux ou qu'un coup de chance passe à sa portée.

La deuxième option lui sourit finalement sous la forme d'une antilope mâle de belle taille, amoché au flanc par un duel entre rivaux ou une mauvaise chute. Dans tous les cas, on s'en foutait.

- Attrape-le, Ntouka, attrape-le! s'écria la drakéïd en tirant un poignard de sa ceinture et en commençant à courir.

La tentative ici relatée de rattraper à pied une antilope du désert adulte, même blessée, serait à première vue bonne à classer dans la catégorie «efforts discutables voués à l'échec» : cependant, cette opinion peut être révisée lorsque cet élan vise à prendre de l'avance sur votre frère de cinq mètres cinquante, dont trois en pattes; car dès que le magma rougeâtre composant la vision habituelle de l'intéressé commença à s'éclaircir pour devenir le point de vue de Rana, la mécanique draconienne se mis en branle et se projeta en avant avec une aisance inquiétante, à défaut d'une précision à tout casser.

La poursuite fut brève : guidé par les cris de sa sœur et ses yeux empruntés, l'ultime prédateur de l'oasis atteignit en un rien de temps la bête boiteuse pour la décoller du sol et lui assener le coup de grâce, en un geste redoutable de sauvagerie et d'efficacité. La proie condamnée expira avant qu'une drakéïd prête à en découdre ne les rejoigne.

Déçue de ne pas avoir pu participer à la mise à mort, mais néanmoins ravie de ce repas imminent, cette dernière s'empressa de reprendre le chemin de l'eau en inventoriant les dégâts causés par la poursuite chaotique de sa monstrueuse autruche de frère : trois arbres, dont un qui pourrait être ré-enraciner, et aucun blessé. Habitués aux grands espaces dégagés du désert, les enfants d'Isa Bere collectionnaient les dommages collatéraux lorsqu'il chassaient dans un environnement différents.  

- Rarau.

Étonnée d'entendre la voix assourdie de son frère, qui portait dans sa gueule la dépouille de l'antilope, l'interpellée suivi le regard du pseudo-dragon et aperçue la petite cahute branlante entre les plantes piquantes. L'oasis, à l'instar de toutes les autres parsemant le désert comme autant de bénédictions, devait régulièrement faire office d'étape pour les caravanes et les tribus parcourant les étendues de sable hostiles; des abris plus ou moins temporaires étaient donc érigés de main d'homme, puis emportés par les éléments, selon l'ordre des choses dans ce coin de monde. Cette bicoque-ci avait eu plus de chance que les autres (où l'inverse?), mais la jeune femme ne saisissait pas ce qui avait retenu l'attention de Ntouka.

Le rouge pris d'assaut les couleurs du paysage et enfin elle comprit : à l'intérieur de la cahute peine plus étouffante que l'air ambiant, quelque chose d'un tantinet plus frais, d'aucuns auraient dit une silhouette, semblait s'être réfugié.

Ranarauna reprit son court couteau; Ntouka déposa doucement sur le sol le fruit de leur chasse. Prudemment, ils avancèrent, légers sauts d'oiseau devant le pas d'un être éléphantesque.

Lentement, la plus petite des deux têtes jeta un œil dans l'ouverture.

~ Par le feu de la Sécheresse, Ntouka, viens voir ça! ~
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeDim 16 Aoû - 12:59

Spoiler:

Patient, comme à mon habitude, j’attendais au fond de mon abri de fortune que la bruyante tempête cesse son tintamarre inquiétant. On pouvait l’entendre très facilement. Elle frappait avec une puissance redoutable les arbres, les rochers, et tout ce qui avait le malheur d’être resté sous l’emprise de son voile volage. Les malheureux étaient alors torturés des heures durant par le vent violent et le sable. Ce véritable fantôme du désert s’insinuait avec une redoutable facilité dans chaque espace qu’il trouvait. C’est ainsi que le voyageur égaré était, dans le meilleur des cas aveuglé, dans le pire des cas étouffé par l’étreinte brûlante de la tempête qui l’emportait à petit feu. En songeant à cela, je bénissais le toit au-dessus de ma tête, comprenant que ce véritable coup du destin m’avait évité une mort douloureusement lente au milieu de nulle part.

Le temps fila à une telle vitesse que j’avais l’impression d’entendre ma barbe pousser. Je m’ennuyais à mourir dans ce trou à rat. L’effroi initial qui me secouait la moelle quelques heures plus tôt avait fini par se dissiper pour laisser la place au néant. Je n’avais plus peur de la tempête, me sachant très bien en sécurité. Alors que faire maintenant ? Et bien rien. Il fallait attendre, attendre sans rien faire. Et c’était là quelque chose que je détestais allègrement. La perspective de tout ce que j’aurai pu accomplir à la place de rester assis sans bouger me tordait l’estomac de colère. Mais je ne pouvais décidemment pas affronter ce cataclysme.

Je m’étais quelque peu assoupi, je l’avoue. Mes yeux s’ouvrirent péniblement alors que je tentais de retrouver ma pleine conscience. J’étais allongé, comme ça, sur le sol dur et recouvert de sable. Je me rendis compte, avec dégoût, que j’en avais d’ailleurs plein la bouche. Je me relevai prestement pour cracher bruyamment par terre et me frotter la langue avec ma main. Je grimaçai et maudissais ce sable si abject. Puis mes yeux se posèrent sur l’entrée de la cahute, et plus précisément sur la femme qui y était rentrée.

Un peu déconcerté, je clignai plusieurs fois des yeux pour bien assimiler ce que je voyais. La demoiselle avait la peau mate, les yeux sombres et ses cheveux formaient une cascade de longues tresses brunes. Sa beauté exotique pouvait éblouir les yeux des plus débutants conquérants, mais j’en avais déjà bien trop vu pour considérer cette femme comme époustouflante. Non. Elle était charmante, mais sans plus. Enfin passons sur ces douces flagorneries pour s’intéresser à l’essentiel. L’inconnue avait une queue ! Une immense queue écailleuse qui partait de son bassin et qui glissait sur le sable distraitement. Qu’est-ce donc que ce monstre ?! En plus de ça, des cornes tout aussi inquiétantes semblaient pousser sur son crâne. Mais quel démon venait ainsi troubler mon repos ?!  Je ne me souvenais pas avoir courroucé quelconque déité ! Et si c’est le cas, que les douze divins m’entendent ! Je suis désolé !!

Vous me connaissez, je suis un homme brave quand il le faut. Mais là… non ! Même le plus intrépide des guerriers aurait souillé ses chausses face à pareille créature ! C’est donc sans surprise, et avec une légère honte, que je sentais la sueur perler sur mon front et l’effroi embuer mes yeux. J’essayai vainement de reculer le plus loin possible de cette chimère, mais je me heurtai avec le plus grand désespoir sur le mur de la cabane. Mon cœur forçait la barrière de mes côtes en une palpitation douloureusement puissante et je ne parvenais plus à dire le moindre mot. Je ne pouvais même pas savoir si cette… chose avait la capacité de me répondre ! Enfin… On pouvait toujours essayer.

- Qui… qui êtes-vous ?
Parvins-je à bégayer après d’affolants efforts.
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeJeu 20 Aoû - 6:04

Spoiler:

C'était là un homme comme Rana n'en avait encore jamais vu; certes, chaque marchand de passage dans sa tribu se laissait toujours aller à quelques descriptions des clients les plus puissants et exotiques auxquels il a eu à faire, mais la drakéïd ne s'attendait pas à ce que les vents du désert poussent l'un d'entre eux si tôt sur sa route.

Premièrement, sa peau rivalisait de pâleur avec le lait fraîchement trait; ses cheveux, d'une couleur commune, étaient cependant aussi lisses que la crinière d'un pur-sang; son nez, très long et droit, surmontait une bouche aux lèvres fines. Sous une couche de sable assez conséquente, l'inconnu semblait attifé de vêtements colorés constitués de tissus découpés et assemblés, plutôt que d'une seule longueur drapée sur le corps.

Le seul élément familier de ce portrait résidait dans les yeux de l'homme, parti se recroqueviller au fond de la cahute dès qu'il l'avait aperçue, au risque de voir s'effondrer le mur fragile dans lequel il tentait vainement de disparaître : leur expression rappelait le dernier regard de l'antilope sous les crocs de Ntouka. Il était terrorisé, mais par quoi?

Consciente de son aspect unique, Ranarauna n'avait pourtant jamais assisté à une telle réaction : tous ceux qu'elle et son frère avaient croisées jusqu'à maintenant avaient entendu parler de la progéniture d'Isa Bere. À défaut d'être craints comme leur créatrice, ils faisaient néanmoins partie de sa légende depuis bon nombre d'années et les habitants du désert s'étonnaient moins du pseudo-dragon que de sa moitié humanoïde.

Encadrée par la petite porte, interdite face au trouble de son vis-à-vis, la jeune hybride entreprit d'en découvrir la source : peut-être son foulard avait-il glissé, découvrant ses excroissances crâniennes? Non, elles étaient toujours cachées sous la masse de ses tresses, elles-même bien serrées dans le tissu. Sa queue alors? Un tel appendice sur sa silhouette féminine avait tendance à interloquer les coeurs sensibles. Peut-être tenait-elle une piste de réponse, mais la plus évidente était probablement :

~ Ntouka, je crois que tu dépasses. ~

À contre-jour, leurs formes fusionnées devaient être particulièrement intimidantes, raisonna-t-elle. Derrière elle, le pseudo-dragon se décala pour faire place au soleil en grommelant.

- Qui… qui êtes-vous ? balbutia tout à coup l'inconnu inondé de sueur.

Les sourcils charbonneux de l'intéressée se haussèrent, de concert avec ses quatre oreilles qui se dressèrent malgré elle : la voix de l'étranger avait une clarté inattendue à travers son timbre tremblotant. Heureusement, il semblait parler le Commun, aussi la drakéïd s'appliqua à lui répondre le plus doucement possible pour ne pas l'effaroucher :

- Ranarauna et Emela-Ntouka. Nous sommes la descendance d'Isa Bere. Et vous?

Autour de l'abri de fortune, le pseudo-dragon rôdait, aux aguets, remuant l'air de son souffle profond.
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeMar 25 Aoû - 10:32

Un bon point pour la demoiselle, elle parlait la langue commune. Au moins n’était-elle pas un monstre sous toutes les coutures. Une conclusion qui, je vous l’avoue, me rassura un peu. Même si je demeurai toujours au fond de la cabane, enfermé dans ma terreur, au moins mon cœur ne battait-il plus à tout rompre dans ma poitrine. Un peu plus serein, je décidai néanmoins de conserver la distance de sécurité minimale que j’avais établie avec la créature. Elle devrait être plus convaincante avant que je bouge d’ici ! En plus, l’on entendait un étrange murmure par-delà les murs de l’abri de bois. Se mêlant au vent, un étrange souffle beaucoup plus calme semblait chanter en cœur avec le désert. Je mis quelques instants avant de bien discerner cette légère faute d’accord et encore plus pour bien me convaincre que c’était le bruit d’une respiration. Pendant tout ce temps, la bête n’avait pas bougé, elle me fixait toujours de son envoutant regard sombre. Elle me mettait affreusement mal-à-l’aise et j’aurai mille fois souhaité, en cet instant, qu’elle ne soit jamais venue à ma rencontre. Allez savoir comment j’allais finir…

- Je… je suis Zelgius ! Barde de profession ! Pour vous servir. Avais-je alors bégayé à l’intention de la femme-monstre.

Je me doutai bien qu’elle ne connaîtrait pas le noble art qui était le mien, toute sous-humaine qu’elle était, mais au moins se rendrait-elle compte que je n’étais pas une menace. Enfin je l’espérai… Je la regardai de nouveau, essayant discrètement, et plutôt maladroitement, de gratter le sable sous le mur avec l’infime espoir que je puisse m’enfuir d’ici. Puis mon regard se posa une seconde sur ma besace et mon luth, posés tous deux à mes côtés. Non, je ne pouvais pas m’enfuir en les laissant avec cette… chose ! Je ne pouvais imaginer ce qu’elle ferait à mon unique compagnon de voyage ! (Oui, j’oublie Tonnerre) Tssss… la seule chose que je pouvais donc faire c’était d’attendre, et d’essayer de communiquer avec elle pour établir une sorte de statuquo et de ne plus être considéré comme un potentiel casse-croûte.

- Vous…. Vous avez de jolies tresses mademoiselle, vraiment. J’imagine que vous êtes de la région ! Haha… ce n’est pas mon cas, je ne suis pas familier avec tout ce qu’on peut trouver sur ces terres arides…

Un sourire timide était imprimé sur mes lèvres, mais à ma grande honte on pouvait nettement voir ma juste terreur. La sueur perlait à mon front, et ce n’était pas dû à la chaleur ! Ça non ! Et puis je demeurai toujours collé à la paroi de bois, ce n’était pas un comportement révélateur de bien-être et de bravoure, vous serez d’accord avec moi. Aussi, dans une sorte d’illumination, je décidai de m’ôter de cette carapace défensive et d’être un peu audacieux. Me levant du sol avec toute l’énergie que l’on me connait, je me secouai la tête, davantage pour m’éclairer les idées que pour retirer le sable qui tombait pourtant abondamment de mes vêtements. Mon rictus se fit plus amical, mes yeux moins angoissés, mes jambes ne tremblaient plus et mes mains restaient jointes dans mon dos pour cacher le fait qu’elles trépignaient sans cesse.

- Je m’excuse d’avoir réagi ainsi, c’est indigne d’un barde ! Aimez-vous la musique ? Peut-être apprécierez-vous d’entendre une ballade ou deux ?

Ma voix avait repris son timbre ordinaire, charmant et charmeur à souhait ! Je bénissais alors les dieux de m’avoir fait aussi bon comédien ! Si elle savait que mon esprit était exactement dans le même état que tout à l’heure… Mais ce n’était pas en restant acculé tel une proie sur le point d’être dévorée que j’allais sauver ma peau ! Il fallait la jouer fine, et c’était ma spécialité !
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeJeu 27 Aoû - 15:44

- Je… je suis Zelgius ! Barde de profession ! Pour vous servir.

En l'observant jeter des regards nerveux autour de lui, visiblement à la recherche d'une issue, Rana comprit rapidement que l'étranger n'était en rien rassuré par sa réponse : soit il ignorait tout de la légende d'Isa Bere, soit il n'en avait retenu que les passages où elle dévorait les gens (Isa Bere, pas sa légende.) Néanmoins, le silence glissant dangereusement vers le malaise, le «barde» reprit la parole jusqu'à se faire de plus en plus bavard :

- Vous…. Vous avez de jolies tresses mademoiselle, vraiment. J’imagine que vous êtes de la région ! Haha… ce n’est pas mon cas, je ne suis pas familier avec tout ce qu’on peut trouver sur ces terres arides… 

Sur son visage pâle s'étirait un rictus pincé qu'il tentait laborieusement de transformer en sourire. Certaine de contrôler la situation, la drakéïd ouvrit son esprit pour toucher celui d'Emela-Ntouka, toujours cantonné à l'extérieur par sa taille imposante.

~ Tout va bien dehors? ~ questionna-t-elle, le regard dans le vague.

~ Un cheval, lui répondit aussitôt le pseudo-dragon, nerveux comme son maître avec toi. ~

~ Il n'a pas l'air bien méchant, il est juste… ~

Le cours de leur échange télépathique s'interrompit soudainement lorsque l'hurluberlu entreprit de se relever non moins subitement pour déclarer en projetant du sable partout :

- Je m’excuse d’avoir réagi ainsi, c’est indigne d’un barde ! Aimez-vous la musique ? Peut-être apprécierez-vous d’entendre une ballade ou deux ?

Surprise par ce changement d'attitude, Ranarauna recula vivement en raffermissant sa prise sur le coutelas traditionnel qu'elle n'avait pas lâché, esquissant même un geste défensif. Il ne paraissait pas armé, mais il avait un sac. Son frère et elle rangeaient plusieurs armes dans leurs sacs.

- Qu… quoi? Musique? Vous voulez chanter là, maintenant?

Certes, avec son assurance renaissante, la voix de ce Zelgius gagnait sensiblement en mélodie, mais quelle idée de le proposer sans raison au beau milieu de l'après-midi! C'était peut-être une coutume étrangère… ou le soleil avait trop tapé sur sa tête d'étranger. Présumant qu'elle devrait rapidement le mettre au parfum, la jeune femme rajusta le tir :

- Heu, non, pas de musique, nous ne sommes pas venus pour ça. Par contre, mon frère et moi avons attrapé une antilope, enfin, surtout lui; voudriez-vous partager notre repas?

Un reniflement désapprobateur précéda l'intervention de Ntouka, qui épiait la conversation par ses oreilles et lui fit remarquer que l'antilope ne suffirait pas à les nourrir tous les trois.

~ Occupe-toi du cheval, gros rabat-joie. On trouvera bien un autre bestiau ensuite. ~

Reportant toute son attention sur Zelgius, elle lui sourit enfin franchement. À reculons, elle repassa l'entrée de la cahute, l'invitant à faire de même, et rangea son couteau pour faire bonne mesure. Leurs traces allaient et venaient sur le sable meuble, partiellement balayées par le mouvement paresseux de sa queue caressant le sol. Tout autour, les serres du pseudo-dragon se découpaient distinctement, profondes marques encore plus larges que des pattes d'éléphant. Elle repensa à la première réaction du barde en posant les yeux sur elle.

~ Peut-être devrions-nous l'avertir? ~

~ Pourquoi? ~ demanda son frère avec un haussement d'épaule télépathique, vexé de s'être fait rembarrer.

- Heum, Zelgius? Vous devez savoir qu'Emela-Ntouka ressemble à… euh… qu'il est...

Alors qu'elle cherchait les bons mots surgi des broussailles un étalon à la robe blonde, magnifique de santé vu la vitesse à laquelle il passa devant elle, se dirigeant à fond de train et à vue de nez vers le point d'eau, en proie à la panique. Le pseudo-dragon émergea à son tour des fourrées asséchés et s'accorda une pause, s'asseyant à demi aux côtés de sa soeur.

- … qu'il ne me ressemble pas, finit-elle par lâcher en lui adressant un regard meurtrier. Leurs yeux brasillèrent à l'unisson.

~ C'est comme ça que tu t'occupes des chevaux toi? ~

~ Rien à faire, complètement fou. Mais il est à l'oasis, non? ~

~ Qu'est-ce que tu as fait de l'antilope? ~

~ À l'oasis. ~

~ La Sécheresse t'emporte. ~ grommela-t-elle en se tournant vers l'abri, Zelgius? Zeeelgius!
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeVen 28 Aoû - 13:47

Droit et fier comme le paon qui parade avec zèle, j’attendais patiemment la réaction de mon interlocutrice monstrueuse. Même si je me trouvai, alors, des plus convaincants, cela ne semblait pas pour autant amadouer la jeune femme qui battait des paupières avec curiosité. Son être entier transpirait la méfiance, une attitude blessante tandis que j’essayai par tous les moyens de paraître le plus amical possible, malgré la terreur qui me tordait le ventre. Pourtant c’était elle qui était en position de force, pas moi ! Je n’étais nullement un guerrier ni un… prédateur du désert ! Comment pouvais-je lui faire du mal avec mon luth ? Je commençai vraiment à trouver ces contrées étranges, alors même que je n’avais pas encore rencontré une quelconque civilisation hormis cette voyageuse ! Les prochains jours, si ils seraient tous aussi mouvementés, s’annonçaient longs…

- Heu, non, pas de musique, nous ne sommes pas venus pour ça. Par contre, mon frère et moi avons attrapé une antilope, enfin, surtout lui; voudriez-vous partager notre repas?

Alors elle n’était pas toute seule en plus ? C’est son frère la créature que j’entendais respirer à l’extérieur des murs fragiles de la petite cahute ? Non… Ce ne pouvait être lui. La respiration était celle d’une créature massive, musclée… Elle ne pouvait provenir d’un être humain ou… affilié. Non ! Ce ne devait être que Tonnerre, mon cheval, qui revenait par ici pour voir si j’étais toujours là ! Mais alors, cela voulait dire que le frère de Ranaurana l’avait vu, lui aussi. Je me demandai alors comment avait réagie ma monture face à un tel intrus… Je le saurais bien assez tôt de toute manière. Aller ! Suivons la demoiselle !

- J’en serais ravi, effectivement ! Votre frère doit être un incroyable chasseur !

Tout en tenant cette sympathique conversation, j’emboîtai le pas de mon vis-à-vis pour sortir de la cabane, y laissant distraitement mes affaires. Quel risque y avait-il qu’on me les dérobe ? Et puis pour les maigres biens que j’avais… Me laissant aller à mes réflexions, j’en oubliais presque la jeune femme à la peau d’ébène. J’entendis à peine quelques mots, dont le nom im-pro-non-çable de celui qui devait être son frère ! Emel… Emela quelque chose. Oh, je suis sûr qu’il est commun dans les régions de l’ouest, mais pas par chez moi, ça non !

- … qu'il ne me ressemble pas.

- Qui donc ne vous ressemble pas ?

La réponse était évidente, mais vous savez aussi bien que moi que l’esprit peut parfois se perdre dans les jardins gigantesques qui le composent. C’est donc tout à fait normal, dans ces moments-là de perdre le fil d’une discussion. Mais en réalité… il y avait aussi dans cet oubli une sorte d’espoir. Je ne saurais expliquer précisément d’où il provenait, ni contre quel danger je tissais cet espoir, mais le fait est que savoir que Emela-truc ne ressemblait pas à sa sœur ne me rassurait pas le moins du monde ! Et pour cause, tout en pivotant la tête vers la source du ramdam tout proche, je pus apercevoir sa longue queue reptilienne, sa peau écailleuse à souhait qui reflétait l’éclat du soleil, et cette fois en totalité, ses pattes puissantes, ses ailes transparentes repliées contre ses flancs, et finalement sa lourde tête qui correspondait parfaitement à la description de tous les récits et pamphlets qui traitaient du sujet. Ses yeux aux pupilles verticales me fixaient, moi, son possible futur repas.

Bon, les mauvaises langues diront que l’instant d’après, je me suis enfui comme le dernier des poltrons. Abandonnant cheval et possessions pour m’enfuir désespérément vers une destination inconnue, ici le fond de l’abri que j’avais eu tant de mal à quitter quelques secondes plus tôt. Mais vous me connaissez depuis le temps. Quand ai-je fais preuve d’une telle lâcheté, hein ? Non, non, non. N’écoutez pas ces balivernes. Ils sont inventés et répandus par des canailles sans scrupules qui ne cherchent qu’à me nuire. Jaloux qu’ils soient de ma réussite et de mon talent. Non, en réalité, et vous l’avez sûrement deviné, ce mouvement aussi vif que discret n’était qu’une simple retraite stratégique. Eh oui ! C’est bien la réaction de tout à chacun face à un danger aussi redoutable qu’inattendu ! Eh bien voilà, c’est ce que j’ai fait juste après avoir posé les yeux sur ce redoutable reptile qui, avec ses semblables, alimente les légendes depuis bien des années et pour des siècles encore. Je sais ce que je dis puisque je fais partie des gens qui répandent de telles fables !

Mais revenons à nos moutons, pour me protéger de cet épineux problème, j’espérai enfin que, par un miracle, le mur de bois coopère pour me sauver la mise, mais il n’en fut rien, hélas. D’un puissant coup d’épaule, j’essayai de briser la fragile structure pour passer au travers et ainsi regagner les routes du désert, loin de cette ignoble femme et de son frère chimérique. Mais le fait est que manier la plume et le luth ne demande pas les mêmes efforts que de briser des planches, un détail qui me revint tout droit au visage lorsque le mur, qui ne paraissait pourtant pas solide, me résista sans peine. Je retrouvai bientôt le chemin du sol, et du sable, et me laissai aller à communiquer mon extrême terreur par des éclats de voix des plus poignants. Mais qu’allais-je devenir ?!

- Ne… ne m’approchez pas ! Vous voulez me dévorer, c’est ça ? Mais prenez donc mon chevaaal ! Il y a bien plus à manger là-dedans que dans un poète sous-alimenté comme moi !

Dans un geste spasmodique, je maintenais mon chapeau de feutre contre mon torse, comme une ultime protection face à un ennemi résolu et bien trop puissant. Il était peut-être l’heure de faire mes adieux à ce monde. Oh flûte ! Je périssais dans ce maudit trou à rat, au milieu de nulle part ! Moi qui méritai bien plus ! Quel monde injuste…
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeVen 4 Sep - 18:10

Spoiler:

Il fallait s’y attendre.

En moins de temps qu’il n’en faut pour articuler «Ne craignez rien», le barde s’était à nouveau carapaté dans la cahute.

Rana soupira, ses réserves de tact s’épuisant comme une vieille mue d’écailles : l’effroi continuel de Zelgius commençait à la heurter. Tous ceux qui croiseraient désormais leur chemin réagiraient-ils ainsi? Elle leva un œil morose vers le faciès imperturbable de son frère, lui partageant sa crainte. Charitable, ce dernier la taquina du museau pour l’assurer de son soutien, mais lorsque la détresse du barde se rappela à eux à grands cris, ni une ni deux, il cala confortablement son croupion dans le sable et gratifia d’un regard impatient l’endroit d’où s’élevaient les gémissements.

À travers les plaintes du vent et de Zelgius s’éleva brièvement un nouveau bruit, un gargouillis caverneux de mauvais augure qui ne provenait d’aucune de leurs deux gorges.

D’un pas ferme, la drakéïd revint donc seule vers l’abri décrépit : l’étranger devrait rapidement comprendre que la faim était doublement pénible lorsqu’on supportait celle d’un autre en plus de la sienne, sensation triplée lorsque l’autre en question fait sept tonnes de muscles et de dents.

Héraut irritable de leur appétit insatisfait, sa queue alerte battant vivement ses jambes sous son burnous poussiéreux, Ranarauna investit l’unique pièce sans plus de délicatesse, planta ses pieds de part et d’autre du poète et le toisa de son regard noir piqueté de braises. Son agacement emplit l’espace et elle prit une profonde inspiration avant de parler :

«Craignez-nous pour les bonnes raisons, Zelgius, car nous ne comptons pas nous repaître de votre carcasse, pas plus que de votre cheval : l’oasis accueille d’autres créatures, aussi comestibles et beaucoup moins utiles. Que vous n’ayez jamais croisé de drakéïd ni de pseudo-dragon, nous le concevons, mais continuez votre cirque et vous deviendrez vexant.»

Dans cette envolée d’avertissement, les accents de sa langue maternelle, rauque, sifflante et pleine de sons en éclats de silex avaient graduellement altéré la voix de la jeune femme. Les mots demeuraient les mêmes, mais voilés par le timbre bas, à peine menaçant, d’un serpent ondulant dans l’herbe haute. Tout en se demandant pourquoi elle se donnait tant de mal, Rana se força au calme : l’exaspération d’Emela-Ntouka avait attisé ses propres sentiments. Découvert, son frère relâcha son emprise avec un regard d’excuse par la porte de la cahute. Il n’y pouvait rien, il avait faim et elle aussi. Zelgius ne faisait que leur compliquer la tâche.

Lentement, doucement, l’hybride expira : l’air ambiant gagna quelques degrés.

Enfin, elle s’accroupit aux côtés du barde, son expression plus détendue :

- Nous sommes nés du désert et savons y survivre : ce que les bandits pillent et volent par peur de mourir assoiffés ou avalés par notre terre, nous l’avons fait nôtre. Nous n’avons pas besoin de vous ni aucune intention de vous faire du mal, mais vous risquez votre peau, seul comme vous l’êtes à nous considérer comme des goules. Nous vous proposons simplement un repas… et, promis, vous n’êtes pas au menu, finit-elle avec un fin sourire.
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeSam 19 Sep - 21:48

La mélopée du vent ne cessait de monter en intensité à mes oreilles alertes. Plus que jamais, les instincts primaires qui faisaient la fierté des chasseurs et l’horreur des nantis refaisaient surface dans mon esprit de poète. Autant dire qu’ils revenaient de loin. Mes pupilles balayaient frénétiquement, et sans réelle application, l’unique pièce de la masure. Parfois, il s’arrêtait plus longuement sur l’ouverture dans le mur. Je m’attendais à tout moment à voir sa petite tête noire dépasser de là, une langue pointue sur les lèvres, se délectant au souvenir de son prochain repas…. C’est-à-dire moi !

Je ne puis vous cacher que mon cœur bondit dans ma poitrine avec la même puissance qu’un fauve en chasse. Aussitôt imité par le reste de mon corps qui souhaitait plus que tout voir le mur de planches s’effacer sous son poids. La créature était reparue, sa bouche garnie de crocs se tordant en un rictus menaçant. Fait exceptionnel en plein désert, de longues gouttes de sueur coulaient le long de mon visage pour finalement se confondre avec une ou deux larmes qui tombèrent sur le sable brûlant. Malgré le manque d’eau, j’arrivais encore à en produire suffisamment pour jouer les proies faibles et suppliantes. Bien évidemment, je ne pleurai pas vraiment, c’était simplement une tentative de plus d’amadouer la démone… Sans succès.

- Craignez-nous pour les bonnes raisons, Zelgius, car nous ne comptons pas nous repaître de votre carcasse, pas plus que de votre cheval : l’oasis accueille d’autres créatures, aussi comestibles et beaucoup moins utiles. Que vous n’ayez jamais croisé de drakéïd ni de pseudo-dragon, nous le concevons, mais continuez votre cirque et vous deviendrez vexant.

Drakéïd ? Pseudo-dragon ?! Mais qu’étaient-ce donc ces chimères ? Malgré l’adrénaline coulant à flot dans mes veines, mon esprit demeurait clair et raisonné. Cette créature n’était donc pas un démon venu de quelques infernales contrées ? C’était bel-et-bien une œuvre du Créateur ? La curiosité me brûlait le crâne aussi sûrement que le sable me brûlait les mains. Bizarrement, mon palpitant commençait doucement à cesser son tintamarre tribal et je parvenais enfin à respirer comme il faut, c’est-à-dire par de longs soupirs affreusement bruyants.

Circonspect, je regardai ce « Drakéïd » s’accroupir à côté de moi, telle une bonne dame cherchant à réconforter un gueux ivre sur le bord de la route. Le brasier rougeoyant dans ses yeux se calma, peu à peu, et je la retrouvai ainsi bien plus humaine qu’auparavant. Si l’on oubliait ses cornes difformes et sa queue reptilienne qui battait nonchalamment le sable… elle n’était pas si terrible.

D’un ton calme, donc abominablement différent de mon rythme cardiaque, elle tenta de me ramener à la raison. Elle parlait bien, des mots savants dans une enveloppe gracieuse. Il n’était pas bien difficile de se laisser charmer, elle me rappelait en cela les bouffons sur les places publiques qui, en quelques instants, transforment une foule distraite et désintéressée en un auditoire silencieux, tout plein d’étonnement et de curiosité.

Cela ne vous étonnera pas si je dis que son discours, bien que teinté d’agacement, était d’une telle sagacité qu’il me convainquit sans vraiment de mal. Je lui offris un sourire étrangement simple et naturel en réponse à ses phrases alambiquées et pleines de promesses. Tout en soupirant bruyamment, je  me relevai en invitant d’un geste de la main la demoiselle à faire de même. Tout en continuant de scruter ses yeux sombres, je lui dis ces quelques mots.

- Excusez mon emportement, madame. Je ne suis guère homme à me battre et, dans ce lieu hostile et isolé, j’imaginai mon trépas à chaque seconde du jour comme de la nuit, de la main de n’importe qui. Fut-ce les tempêtes hurlantes, une faim dormante ou bien… Quelques carnassiers avides d’un repas facile. Mais, sur mon honneur, je tâcherai de vous paraître le moins pénible qu’il est possible de l’être, et vous me voyez honoré de partager votre table.

Mes paroles retombèrent dans la pièce dans un silence assourdissant. J’avais dit ça d’une traite, sans y réfléchir ! Ce n’était pas du tout dans mes habitudes, et c’était d’autant plus effrayant que… je n’avais plus peur. Quelques semaines plus tôt, en entamant mon voyage dans ce désert, j’avais un objectif en tête : Ecrire, écrire et encore écrire sur ces terres désolées dont peu de monde ont, un jour, chanté la beauté. C’était pour moi une occasion de me démarquer de mes confrères… mais peu à peu, à force d’entendre les mercenaires confier leurs craintes nocturnes, et d’être sans arrêt confronté à la chaleur sourde du lieu, j’avais nourris de plus en plus de craintes envers mon périple. Des tas de questions se bousculaient dans ma tête, et je redoutai l’heure de ma séparation avec les guerriers Solariens.

C’est sans doute pourquoi, lorsque cette demoiselle est apparue devant moi, la peur a immédiatement succédé à ma curiosité légendaire. Car elle dormait depuis des jours au fond de mon esprit, et elle ne demandait qu’à se manifester, elle souhaitait qu’on lui donne raison, qu’on sache qu’elle était fondée. Je me sens ridicule… Chassant ces idées sombres de ma tête, je corrigeai les mimiques de mon visage pour qu’elles paraissent plus… naturelles. Puis j’enjoignis mon vis-à-vis à me suivre vers la sortie, tremblant quand même un peu sur mes pattes en entendant au dehors la puissante respiration du « pseudo-dragon ». Touche du bois ! Il ne faut pas avoir peur !
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeVen 2 Oct - 22:33

Enfin!

Le soulagement submergea la drakéïd dès que le barde lui consentit un sourire sincère : en tant que premier véritable étranger qu’ils rencontraient, Zelgius faisait à ses yeux office d’introduction au monde et le monde avait jusqu’alors très mal réagi à leur présence. Ce retour au calme éclaircissait finalement le sombre horizon de l’avenir vers lequel Rana se dirigea en emboîtant le pas du poète hors de l’abri.

Reprenant les devants, l’hybride rejoignit aussitôt son frère et, en une tentative de rassurer leur invité, attrapa l’immense tête reptilienne et se suspendit à son museau, le bout de sa queue effleurant à peine le sable fin lorsqu’Emela-Ntouka se redressa. Le pseudo-dragon souffla doucement par le nez et indiqua mollement le chemin du point d’eau, balançant toujours sa sœur au-dessus du sol.

- Oui, on y va, répondit-elle à haute voix pour que Zelgius puisse suivre leur échange. La jeune femme se laissa tomber sur ses pieds et reprit sa marche.

Ranarauna, petite femme de feu. Voilà des décennies qu’elle n’avait pas fait l’enfant de cette façon, joueuse et insouciante, désireuse de se montrer inoffensive et d’être appréciée. Il y avait si longtemps qu’on les aimait que l’un et l’autre avaient oublié qu’à Solariàs, toute rencontre était d’abord teintée de peur et de méfiance, deux sentiments qui menaient régulièrement, voire inévitablement, à la méchanceté et aux blessures de l’âme. Ntouka se promit de ne pas commettre cette erreur une seconde fois. Son regard se posa sur le barde, deux fenêtres sur l’Enfer pour donner à ce dernier un aperçu de ce qui l’attendait s’il tentait quoi que ce soit envers sa moitié ou s’il retardait encore l’heure du repas. Rana pouvait se bercer d’illusions et essayer de se mêler aux humains, lui serait toujours là, attaché à ses pas pour la protéger, la rattraper. De sa démarche pesante, mais non dénuée de puissance, le pseudo-dragon pivota sur ses ergots et suivit sa drakéïd d’un air déterminé en manquant faucher Zelgius de la queue.

Quelques minutes plus tard, le bruit de l’eau était à portée d’oreille et l’odeur de l’antilope crevée chauffée par le soleil flottait délicieusement dans l’air sec, tant et si bien que Rana galéra un peu pour arrêter son frère sans trahir leur présence.

- Regardez, indiqua-t-elle en pointant l’oasis.

Attiré hors de l’eau par les précédents vas-et-viens de Ntouka et de la monture blonde du barde, un crocodile de taille respectable les avait devancés et arrachait de gros morceaux de viande à la dépouille mal cachée de leur proie laissée sans surveillance. Retenant de justesse un rugissement exaspéré, le pseudo-dragon gratifia le poète d’un énième regard courroucé. Sa sœur le rappela à l’ordre d’un coup de coude bien senti dans les genoux.

- Ah non, cette fois il n’y est pour rien, nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-même! Maintenant arrête de faire ta mauvaise tête et profitons de l’occasion, dit-elle en lui prêtant ses yeux.
La bête de cauchemar décolla sans demander son reste dans un cataclysme ensablé et redéfinit avec le crocodilien sa position de super-prédateur des environs. L’accrochage se conclut en deux temps et trois mouvements de mâchoires (dont un, surpris et inutile, de la nouvelle addition à leur repas.)

- J’aurais dû m’en charger, soupira l’hybride, à ce rythme-là, je vais perdre la main.

Au moins avaient-ils désormais deux fois plus de viande qu’au début de l’aventure.
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeMar 13 Oct - 14:45

Je ne suis guère fier d'avoir réagi aussi lâchement face à une créature si intéressante, après réflexion. C'est vrai ! Qui pouvait se vanter d'avoir croisé, dans sa vie, le croisement entre l'homme et le lézard ? De surcroît, le compagnon de cette femme n'était pas des plus ordinaires ! Un dragon... vraiment, qui pouvait se vanter d'avoir vécu ce que j'ai vécu ? Il faudra que j'écrive dessus, tiens. Passer à la postérité ! L'homme face à la légende ! Le barde qui rencontra un dragon ! Un conte fantastique, qui se répandra durant des siècles et des siècles, j'en suis sûr ! Le sourire aux lèvres, j’emboîtais le pas de ma nouvelle amie, ne pouvant néanmoins réprimander un petit soupir face à son gigantesque frère. Mais le jeu en valait la chandelle. Le reptile volant était magnifique. Le soleil retombait abondamment sur ses écailles d'ébène qui luisaient comme de la lave noire.

La dénommée Ranaurana s'amusa quelques instants à escalader le museau du dragon. Quelle acrobate ! C'était tout simplement impressionnant. Moi qui avait peur qu'une telle personne me mange... Les préjugés font mauvaise foi partout où l'on va. J'eus un rire léger en voyant ce spectacle de voltige, comme si j'avais oublié qu'à cause de moi, ces deux carnivores en avaient oubliés de manger leur pitance. C'était assez gênant de me le rappeler, voilà pourquoi j'entrepris de l'oublier. Malheureusement pour moi, l'immense reptile se chargea de me graver une fois pour toute au fond des yeux qu'il ne valait pas mieux retarder encore l'heure du repas. Je ne vous conseille pas, si vous en croisez un jour, de mécontenter un dragon... Son seul regard suffit à vous pétrifier d'effroi et il ne reste alors plus de vous qu'une statue de pierre paralysée du bout du chapeau jusqu'à la pointe des bottes !

La massive créature tourna les talons pour suivre son amie, manquant au passage de m'arracher la tête d'un coup de sa puissante queue de lézard. Décidément j'avais laissé une impression durablement mauvaise dans l'esprit du dragon ! Quelques instants plus tard, notre étrange compagnie était arrivée auprès d'une charogne purulente en train de subir le long processus de nettoyage de la chair par la mâchoire d'un splendide crocodile qui paressait tranquillement durant son déjeuner. Les grondements sourds provenant de la gorge de mon très cher compagnon à écailles trahissaient sa juste envie de faucher la vie de ce stupide animal. Sans vouloir me l'avouer, j'avais faim moi aussi, et voir ainsi nos projets de repas s'en aller dans le ventre d'un opportuniste aux dents longues me chauffait la bile plus que de raison. Peut-être aussi parce que je pressentais le sort que lui réservait le dragon. A ma grande surprise, c'est moi qu'il semblait accuser de son regard de braises. Ce n'était tout de même pas ma faute si des crocodiles peuplaient cette oasis enfin ! Bienheureusement, la demoiselle rappela bien vite son compagnon à l'ordre.

- Merci de prendre ma défense, madame. Je ne sais pas si j'aurai pu le faire tout seul...

Et tandis que je m'étalais en remerciements, l'importun se fit immédiatement faucher par les puissantes pattes de notre gigantesque ami. Une raison de plus de rester prudent. Je ne voulais absolument pas finir dans le même état que cet animal ! C'est-à-dire réparti sur plusieurs mètres carrés de sable vermeil de mon sang fraîchement versé. Et tandis que le mastodonte revenait, sa juste prise dans la gueule, j'entendis la jeune femme à la peau sombre soupirer ces quelques mots.

- J’aurais dû m’en charger... à ce rythme-là, je vais perdre la main.

Une opportunité de rétablir le dialogue, parfait ! C'était déjà suffisamment compliqué de paraître détendu en présence de telles créatures, alors ne valait-il pas mieux essayer d'établir un lien au moins amical ? Je saisis ma chance de paraître plus sympathique !

- Dois-je comprendre que vous êtes une fille du combat ? C'est très intéressant ! J'en croise bien peu à mon goût. Avec quoi vous battez-vous donc ? Cachez-vous de menaçantes griffes sous ces poings serrés ?


Je disais ça sur le ton de la taquinerie, espérant au fond de moi que cette plaisanterie ne soit pas fondée. Le summum de la disgrâce, des ongles plus longs et noirs que la branche d'un peuplier brûlé. Et, de surcroît, de mortelles atouts qui, je le savais, était bien plus capables que de simplement égorger des lapins... J'avais eu mon lot de surprise pour la semaine, au moins ! Faites que cela s'arrête, pour aujourd'hui du moins... Je voulais simplement manger et m'assoupir. Et rêver. Et me lever pour répondre à l'appel de la nature sans redouter l'attaque d'un quelconque monstre nocturne. Par les divins ! Faites que mon souhait se réalise !
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeVen 30 Oct - 20:15

Spoiler:

- Dois-je comprendre que vous êtes une fille du combat ? C'est très intéressant ! J'en croise bien peu à mon goût. Avec quoi vous battez-vous donc ? Cachez-vous de menaçantes griffes sous ces poings serrés ?

S’approchant pour récupérer le meilleur des deux proies et malgré la tournure ampoulée des questions, Rana réussit à en saisir la teneur et à ébaucher une réponse que Zelgius et ses connaissances limitées du Désert comprendraient :

- Oui, avant d’entreprendre ce voyage, nous étions des guerriers au sein de notre tribu; l’avatar d’Isa Bere la Sécheresse, reconnaissant protecteur de ceux qui jadis accueillirent sa descendance, chasseur parmi les chasseurs, gardien des enfants précieux et des troupeaux vulnérables…

La liste de leurs titres se tarit au profit d’un silence nostalgique. Tirant de son sac un coutelas plus sobre que celui dont elle avait menacé le barde, la drakéïd s’agenouilla au-dessus des restes amochés de l’antilope et entreprit de dépouiller les os brisés de leur chair. Quelques jours plus tôt, les femmes de la tribu se seraient chargées de cette tâche bien plus proprement qu’elle.

- Nous aurons besoin de bois pour cuire la viande, reprit-elle à l’intention de leur compagnon de bivouac, et pour votre deuxième question, ce ne sont pas des griffes, simplement des ongles plus sombres que les vôtres... comme le reste d’ailleurs, dit-elle en exhibant ses doigts poissés de sang noir, qui ne laissait transparaître aucune nuance et noyait la texture de ses écailles entre les caillots séchés. De l’autre main, elle gratta légèrement les côtes du ruminant, y traçant une marque conséquente : le poète se porterait aussi bien sans connaître ce détail.

S’activant toujours, l’hybride se pencha ensuite sur le crocodile pour en vider l’essentiel.

- Wouah, t’as manqué les tripes de peu, remarqua-t-elle, empoignant les boyaux rosâtre à pleines mains et les déroulant hors de l’animal. Ntouka émit en retour un subtil ronronnement de remerciement, lui qui détestait gâcher sa pitance avec ce contenu infâme. Le repas prenait enfin forme et cette simple perspective suffisait à apaiser leur esprit vorace sans toutefois les empêcher de nettoyer à petits coups de langue le sang maculant les paumes de sa moitié humanoïde. Les bêtes prêtes à passer à la broche (ou à descendre sans plus de cérémonie dans le gosier du pseudo-dragon), Ranarauna s’autorisa enfin à retirer son burnous de voyage désormais marbré d’écarlate, mettant au jour un kitenge jaune drapé autour de son corps.

- Et vous, Zelgius, repartit enfin la femme-dragon en raffermissant les nœuds du vêtement, qu’est-ce qui vous a poussé à tenter votre chance seul dans le désert solarian?

Contrairement au barde, bien peu de voyageurs s’aventuraient ainsi sans préparation dans cet hostile océan de sable, aussi la raison d’une telle audace ou d’un désespoir aussi profond intriguait sincèrement la drakéïd. Quelles ressources cachait le poète pour être parvenu aussi loin par ses propres moyens?

Indifférents à sa curiosité, leurs estomacs à l'agonie produisirent de concert un long borborygme plaintif, lui rappelant à grands cris le temps passé sans manger depuis ce matin : le soleil se coucherait sous peu.
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MessageSujet: Re: La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence   La dernière oasis avant Desiara : l'aventure commence I_icon_minitimeMar 24 Nov - 11:22

Heureusement pour moi, mon envie de sympathiser avec cette étrange créature prenait le pas sur le dégoût qui était le mien alors qu'elle s'amusait à dépecer les deux bêtes avec autant d'adresse que de sang-froid. Une habitude macabre qu'elle avait sûrement adoptée durant ses nombreux voyages, ou bien était-ce inné chez un tel prédateur ? Leurs estomacs devaient être bien vides, puissantes mâchoires qui parcouraient le sable brûlant. Désolation, silence, mort, les entourant d'un voile bienveillant comme une mère aimante. Ils étaient probablement nés ici, et allaient certainement y voir leur déclin. Les écailles sombres du lézard géant, comme une fresque dorée retraçant l'histoire de ses vols gracieux, faisaient vaciller les rayons solaires qui s'écrasaient dessus. Un forban aurait certainement eut l'avidité suffisante pour confondre cela avec des tas de piastres rutilantes, mais pour l'heure seule la faim et la chaleur guidait mon cœur vers la viande sanguinolente qui s’effilaient lentement sous les coups mesurés de la lame. L'odeur métallique du sang versé se répandait dans l'air comme une fragrance exotique qu'on ne souhaite pas vraiment croiser sur sa route. Tandis qu'elle terminait sa besogne, la « descendante d'Isa Bere » entama la conversation. Selon elle, elle portait bien des noms, surnoms, sobriquets et patronymes. Une constatation qui réveillait l'étrange appétit de mon âme pour les légendes et les mystères. Plaintive curiosité, qui ravissait mon esprit pour ne plus s'en défaire.

Le retour à la réalité fut rapide et net, comme les incisions que pratiquait la jeune femme sur la chair de cette pauvre antilope. Le dragon, de son côté, se plaisait à éventrer sans aucune autre cérémonie le crocodile pour le vider sommairement. J'étais, encore une fois, des plus inutiles. A la manière d'un mage clairvoyant, mon "hôte" sembla entendre cette requête silencieuse puisqu'elle m'invita à aller chercher un peu de bois pour faire cuire les larges morceaux de venaison. Je me mis tout de suite à la tâche ! Le soleil était toujours aussi appliqué à transformer l'oasis en enfer ardent, mais je ne me plaignais pas. L'eau était à deux pas, si besoin, et mon couvre-chef faisait plutôt bien son office. Le bois n'était pas bien compliqué à dénicher, une quantité remarquable était tombé des quelques arbres lors de la partie de chasse de ce cher ami draconnique. J'en ramassais une quantité suffisante, agrémentée de quelques feuilles de palmier. Une besogne lassante et répétitive, voilà pourquoi je m'occupais en regardant ce que faisaient mes deux autres compagnons. A vrai dire, je réfléchissais. Je n'allais pas dire à ces survivants du désert que mon inconscience m'avait guidé là simplement pour retrouver une inspiration perdue ! Il fallait un motif plus sérieux, une quête plus noble ! Mes yeux se perdirent sur le sable dansant dans l'air de l'après-midi, avant de retomber sur la demoiselle... J'avais mon objectif ! Le bois en main, je retournais auprès d'eux.

- Tu m'as demandé tout à l'heure ce que je faisais au milieu d'ici, terres hostiles à toute forme de vie. Je m'excuse d'avoir maintenu le silence, mais le récit est douloureux à raconter. Si je suis ici c'est parce que, il y a un mois de cela, une amie qui m'était très chère était partie à la rencontre de ces plaines brûlantes. Son but: trouver une chimère... On raconte que sous le sable, sous le vent, sous le soleil se dessineraient les contours d'une majestueuse cité antique, oubliée de tous.

Je marquais une pause, afin de retarder la chute tragique de cette véritable fantaisie. Mon ton était triste, presque las. J'étais habitué à revêtir un masque lorsque je déclamais les vers de quelques récits épiques. Ce n'était, pour moi, qu'un énième récital de poésie, ce que je faisais tous les jours !

- Une curiosité maladive poussa mon amie à aller chercher cette ville fantôme. Depuis je ne l'ai plus revue. Il est impensable qu'elle ait survécu... Je suis donc venu ici, chercher son corps, pour au moins en avoir la preuve. Elle n'avait pas de famille, je pourrais donc l'enterrer ici.


Ma voix était aussi pitoyable que mon discours bien écrit, il faut se l'avouer ! Bien sûr, tout cela n'était qu'un mensonge, mais c'était impossible de ne pas me croire ! J'étais satisfait de mon histoire, je ne voulais pas passer pour un fou, ou un jeune impétueux. Il fallait une quête à l'issue tragique, menant inévitablement à la mort du protagoniste dans une recherche désespérée d'un objectif mort ! C'était si larmoyant que j'en pleurerai presque. La tête basse, regardant le sable sifflant entre mes jambes, j'attendais une quelconque réaction de la demoiselle. Elle devait me prendre pour un brave ! Une âme aussi noble qu'intrépide ! Peut-être qu'un jour je raconterai cette histoire à quelques minaudes tremblantes, mais pour l'heure c'était le moment de la vivre !
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